A l'image de ce que nous avons vu pour les chemises, les détails font souvent la qualité, du moins perçue, d'un produit. Il en va de même pour les souliers, avec cependant quelques exceptions, où généralement, la créativité ne trompe pas sur la qualité. Voyons où regarder pour identifier un soulier qui durera toute une vie, ou peu s'en faut.
Célèbre derby "Arca" de la maison Corthay.
Evidemment, je dois vous préciser d'entrée de jeu un point essentiel : Lorsque je parle d'une "belle" paire de souliers, j'entends bien sûr qu'elle est de bonne qualité, et donc durable.
Par définition, la durabilité fera la rentabilité de l'investissement que vous voudrez bien accorder à votre paire de souliers. En revanche, il n'est pas vérifié que la durabilité augmente dans le même sens que le prix, ou du moins, pas aussi vite. A partir d'un certain prix, on ne peut plus attendre d'une paire qu'elle soit plus durable qu'une autre, moins chère. J'estime ce prix à environ 500€, car le marché d'aujourd'hui nous propose des rapports qualité / prix exceptionnels, et une jolie paire chez Septième Largeur vous durera, sans usage intensif et entretien inexistant, plusieurs années, voire dizaines d'années. D'autres marques comme Paraboot, TLB Mallorca et CNES.Co sont concernées, aussi je vous invite à lire l'article dédié aux Souliers.
Imageons ce constat : Une paire d'Arca (ci-dessus) à 1.650€ ne vous durera peut-être pas plus longtemps qu'une paire de Richelieu chez Septième Largeur, pourtant 1300€ moins chère. En revanche, une paire chez Minelli pour 100€ vous durera très certainement moins longtemps que cette paire de Septième Largeur, on compte ici en années... Vous pouvez lire cet article pour mieux décerner le concept : Pourquoi payer (un peu) plus cher ?
Précisons également que la durabilité n'est pas mesurable réellement, elle dépend de nombreux facteurs. La forme de la chaussure comparée à celle de votre pied, votre posture, votre poids, l'entretien que vous apporterez à votre paire, les accessoires (protection de semelle pour les semelles en cuir, embauchoirs...) etc. Le fait qu'il n'y ai aucune contrainte fera durer la chaussure comme si elle restait neuve, cependant vous imaginez qu'il y a 7 milliards d'êtres humains sur Terre, donc autant de cas différents. L'usure est donc variable, la durabilité va donc avec.
Cette précision étant faite, attardons-nous sur les points importants qui font une chaussure de qualité, et donc, durable.
La qualité du cuir
Derbies TLB Mallorca. Cuir de très bonne qualité, naturel, ni trop mat, ni trop brillant.
On distingue plusieurs niveaux de qualité de cuir. Il convient de dire que le cuir "pleine fleur" est le plus conseillé, car la structure de la peau permet une bonne longévité. Pour rappel, le cuir est une matière animale, donc même travaillée de manière à former une paire de souliers, elle va continuer d'évoluer, de "vivre" d'une certaine façon. Donc elle a besoin d'être suffisamment nourrie pour continuer à bouger et se plier sans craquer, un cuir trop sec se fissurera vite. Le cuir pleine fleur est un cuir qui n'a pas été corrigé par ponçage, et donc, qui a conservé ses propriétés naturelles, lui permettant une fluidité supérieure à une "croûte de cuir". On en trouve beaucoup sur les volants de voiture, si vous voulez vous faire une idée de la rigidité de cette gamme. Sauf que sur un volant, il ne bougera jamais, alors que sur une paire de souliers... Si. Le choix d'un cuir de belle qualité est donc primordial, c'est lui qui assurera le gros du travail dans la durabilité de votre paire. En boutique (entrée de gamme, le plus souvent) méfiez-vous des cuirs trop brillants. Généralement, ils sont recouverts d'une couche de plastique pour les "protéger", ou plutôt pour gommer les défauts d'un cuir de basse qualité, et donc peu onéreux pour son fabricant. Un vrai cuir, s'il est bien présenté, aura une brillance, mais pas exagérée. Naturelle, en quelques sortes. Ce cuir plastifié se nomme "bookbindé". Là où certaines marques ont la décence de vous le préciser (Merci Orban's), d'autres jugent que c'est la norme, et que mentionner que leur cuir n'est pas si naturel que ça n'est pas essentiel pour les acheteurs. Pour certains acheteurs, j'en conviens, pour nous, passionnés ou attentifs à nos achats, j'en doute. On peut trouver un cuir pleine fleur pour environ 200€ chez Finsbury, et à peine plus chez Septième Largeur. La qualité peut vite monter avec le prix, car moins le cuir présente de défauts, plus il sera cher. Retenez cependant qu'il est normal de trouver de temps à autres une imperfection sur le cuir d'une chaussure, c'est une matière animale et elle a donc vécu, comme toute peau !
Tout ceci s'applique moins pour les peaux exotiques, aussi je vous invite à lire "Souliers : Les cuirs exotiques" pour découvrir quelques cuirs exclusifs, et en règle générale, toujours d'excellente qualité.
Vous l'aurez compris, un bon cuir garantit presque toujours une durabilité intéressante. Mais ce cuir, aussi beau soit-il, ne peut se soustraire à une autre variable : L'attention que l'on porte à sa présentation, à sa structure : Je veux parler du montage. Il en existe beaucoup, et nous allons en voir certains ci-dessous.
Le montage utilisé
Les deux montages classiques. En haut, le Blake, en bas, le Goodyear.
Ci-dessus, je vous ai (magnifiquement) dessiné deux schémas qui illustrent ce que sont les montages les plus souvent utilisés pour l'industrie du soulier : Le cousu Blake, et le cousu Goodyear.
Par essence, nous ne parlerons pas de la semelle collée (ou soudée, mot plus agréable utilisé pour dire que rien n'est cousu...) car la durabilité étant le mot-clef de cet article, j'estime inutile de parler d'un montage économique sur le moment, mais désastreux sur le long terme, si on peut utiliser cette formule. Vous remarquez d'entrée de jeu une différence entre les deux montages. Le cousu Blake est doté d'un seul point de couture qui lie la semelle intérieure, la tige (c'est la partie en cuir que vous voyez si vous baissez la tête) et la semelle extérieure (c'est celle sur laquelle vous marchez). Le cousu Goodyear associe uniquement la tige et la semelle intérieure avec la "trépointe", qui fait office d'intermédiaire, pour ensuite associer la trépointe avec la semelle extérieure. Etant donné que l'on ajoute des éléments, et donc des points de couture, le montage Goodyear sera plus rigide, la trépointe faisant tout le tour de la chaussure.
Généralement, on observe le cousu Blake dans plusieurs cas : Les souliers milieu de gamme, car ce montage est moins cher que son cousin, et certains mocassins, car il est aussi plus souple.
Cependant, je pense que le montage Blake n'est pas à écarter, même s'il est semble-t-il plus difficile à ressemeler que le Goodyear. Car une chaussure aura, dans sa vie, besoin d'un changement de semelle extérieure, car elle va s'user. Donc, penser à cette étape est important dans le choix du soulier. Cependant, la souplesse qu'apporte le Blake peut être un avantage selon votre usage, à considérer donc, sans l'écarter. Certains puristes autoproclamés vous diront que le Blake ne vaut rien, et ne jureront que par le Goodyear, cependant je me montrerai plus mesuré. Lorsque je remarque que Corthay, par exemple, propose le montage Blake sur ses mocassins, je relativise.
Il existe également de nombreux autres montages. Le cousu norvégien, par exemple, est plus visible que le Goodyear, tout aussi solide mais il apporte une technicité recherchée par certains. Le montage "Bolognais" est un dérivé du Blake, cependant à une différence près : Il n'y a pas de semelle intérieure, c'est la tige qui fait tout le tour du pied, à l'image d'une bulle sur laquelle sera cousue la semelle extérieure. Il rend la chaussure très souple, confortable immédiatement, mais la durabilité vous rendra cette souplesse que l'on pourrait juger excessive. Car à l'inverse du Blake, un cousu Goodyear vous obligera à "faire" vos souliers. Il faudra que la chaussure s'adapte à votre pied, et il est d'ailleurs bon signe qu'une paire vous semble (à peine) trop petite lorsque vous la recevez. Elle va travailler, et s'adapter. C'est l'apanage de toutes les marques en prêt-à-porter, mais certains acheteurs de souliers "bespoke" (entendez par là en Grande Mesure, donc des souliers uniques) relatent également cette phase de souffrance relative pour faire les chaussures. Rassurez-vous donc, c'est une bonne chose !
D'ailleurs, je pense nécessaire de vous apporter une précision sur le fameux cousu Goodyear, vanté par tous les adeptes de beaux souliers. Sa grande médiatisation est une épée à double tranchant, et pour cause : De nombreuses marques, de manière discutable, ont abusé de cette appellation et ont proposé du faux, qui était en fait une semelle collée, avec une couture décorative sur la semelle pour mieux vous berner. Discutable, disais-je.
Le cousu Goodyear est fait par une machine, et si vous vous demandez depuis le début de cet article pourquoi je vous parle d'une marque de pneus : Cette machine est l'invention du fils du créateur de cette fameuse marque. Donc oui, il y a un lien, mais non, les pneus ne sont pas cousus...
Lorsqu'il est réalisé à la main, ce cousu porte un autre nom : Le cousu trépointe. Remontez un peu, regardez le schéma, vous comprendrez.
Il existe évidemment d'autres variantes, dont je ne parlerai pas ici car elles sont anecdotiques et très spécifiques. J'apporterai une précision pour les plus concernés d'entre vous : Plus les points de couture sont proches, serrés, plus la durabilité sera bonne. Une couture lâche va bouger, le mouvement va desserrer le tout, et l'un entraînera l'autre jusqu'au point de rupture. Eviter tout mouvement en resserrant au maximum, et vous obtiendrez un soulier qui dure.
C'est la fin de cet article sur les marques d'un soulier de qualité, j'espère qu'il vous aura apporté les réponses aux questions que vous vous posiez (ou que vous vous êtes posé en le lisant !). Vous avez des détails sur un cousu dont je n'ai pas parlé ? Ecrivez-moi en commentaires !
Achetez moins, achetez mieux, et surtout, soyez vous-mêmes.
Florian
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